samedi, juin 7

Alors que la violence des gangs s’intensifie à un rythme inquiétant en Haïti, une autre tragédie, plus silencieuse, frappe au cœur de la société : la recrudescence des violences sexuelles contre les femmes et les filles. Dans un contexte où l’État semble avoir abdiqué dans plusieurs zones, les actes de barbarie se multiplient, en toute impunité.

La Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU chargée de la question des violences sexuelles en période de conflit, Pramila Patten, a déclaré que la situation actuelle a atteint un point de rupture. Depuis le début de l’année, les cas signalés de viols, y compris de viols collectifs, se sont multipliés de manière alarmante. Les gangs, qui contrôlent désormais de larges portions du territoire national, utilisent la violence sexuelle comme arme de domination et de punition contre les communautés. Ce n’est plus une simple conséquence de la guerre de territoires : c’est devenu une stratégie délibérée, systématique, profondément inhumaine.

Les témoignages sont glaçants. De jeunes filles, parfois mineures, sont enlevées, violées, et maintenues en esclavage sexuel pendant des jours, voire des semaines. Certaines sont agressées en pleine rue, d’autres dans leur propre maison, souvent sous les yeux de leurs proches impuissants. Dans un pays où l’accès aux soins médicaux et psychologiques est déjà fortement compromis, ces victimes sont souvent livrées à elles-mêmes, sans soutien, sans justice, sans espoir.

L’ONU appelle à une réaction immédiate. Le déploiement total de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, dirigée par le Kenya, est jugé nécessaire pour freiner l’expansion des gangs et sécuriser les zones sinistrées. En parallèle, le Conseil de sécurité des Nations Unies est exhorté à renforcer les sanctions contre les groupes criminels, notamment en coupant l’approvisionnement en armes illégales qui alimente cette spirale de violence.

Mais l’urgence ne se limite pas à la sécurité. Des milliers de familles déplacées, fuyant les exactions des gangs, s’entassent dans des abris précaires, souvent sans eau, sans nourriture, sans protection. Les structures médicales, déjà fragilisées, sont incapables de répondre aux besoins croissants des survivantes. Beaucoup d’établissements ont fermé leurs portes à cause de l’insécurité, créant un vide qui aggrave encore davantage la crise humanitaire.

Face à ce désastre, quelques signes d’espoir émergent néanmoins. La création de deux unités judiciaires spécialisées, l’une portant spécifiquement sur les crimes de masse, dont les violences sexuelles, et la réouverture du tribunal de première instance de Port-au-Prince sont perçues comme des progrès symboliques mais essentiels vers la restauration de l’État de droit. Il reste cependant à concrétiser ces annonces.

Mme Patten insiste : la communauté internationale doit soutenir activement les efforts du gouvernement haïtien pour mettre fin à l’impunité, renforcer les institutions judiciaires, et garantir des services adéquats de prise en charge pour les survivantes. Car, au-delà des statistiques, chaque agression est une vie brisée, une dignité bafouée, un avenir compromis.

Le combat contre la violence sexuelle en Haïti ne peut plus attendre. Il ne s’agit pas simplement de sécurité ou de justice, mais de préserver l’humanité même d’un peuple qui, depuis trop longtemps, endure l’indicible dans le silence et l’abandon.

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