mercredi, décembre 10

En prélude à la Journée internationale de la lutte contre la corruption, l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) a remis, le lundi 8 décembre 2025, cinq rapports d’enquête aux autorités judiciaires haïtiennes. Ces documents, finalisés après plusieurs mois d’investigations, révèlent des irrégularités graves impliquant d’anciens responsables de l’État, des dirigeants d’institutions publiques et des gestionnaires de fonds publics.

L’ex-président Michel Martelly pointé du doigt pour fausse déclaration de patrimoine

L’enquête la plus médiatisée concerne l’ancien président de la République, Michel Joseph Martelly (2011-2016). Selon l’ULCC, l’ex-chef d’État n’a pas respecté les obligations légales de déclaration de patrimoine prévues par la loi du 12 février 2008.

Le rapport note que Michel et Sophia Martelly n’ont pas déposé leur déclaration dans les délais légaux, alors qu’ils occupaient respectivement les fonctions de président et de conseillère du chef de l’État. La déclaration d’entrée de Michel Martelly est considérée comme « tardive et irrégulière », la date inscrite étant raturée et difficile à lire. Seule la date de notarisation, le 11 juillet 2011, figure clairement, soit près d’un mois après l’échéance légale.

L’ULCC révèle également qu’à la fin de son mandat, Martelly n’a pas mentionné 12 comptes bancaires individuels et institutionnels. Les relevés officiels indiquent des dépôts à terme de 386 866,37 dollars à la Unibank, ainsi que six comptes à la Capital Bank, dont un crédité de 5,2 millions de gourdes et un autre de 175 372,97 dollars.

Mais les vérifications croisées montrent 17 comptes actifs et trois cartes de crédit non déclarés. L’ULCC recommande donc la mise en mouvement de l’action publique contre l’ancien président pour fausse déclaration de patrimoine, déclaration incomplète, incohérente et tardive.

Au Fonds National de l’Éducation, un réseau de détournement massifs révélé

Un autre rapport cible la gestion du Fonds National de l’Éducation (FNE) sous la direction de l’ex-Directeur général Jean Ronald Joseph.

Les enquêteurs révèlent que 162,8 millions de gourdes ont été versés à 30 associations sans vérifier leur existence légale, la pertinence éducative de leurs projets ou leur capacité à justifier les dépenses. Treize associations ont reçu 68 millions de gourdes pour des projets hors mission éducative, représentant un avantage indu au détriment de l’État.

Le rapport relève également l’absence de manuel de procédures et de contrôle interne, favorisant les abus. Plusieurs bénéficiaires ont enjolivé leurs dossiers, et 22,6 millions de gourdes ont été utilisés à d’autres fins que prévues.

L’ULCC recommande un audit de gestion par la Cour supérieure des comptes ; la création d’un service d’audit interne ; la restitution des sommes indûment perçues et l’ouverture d’actions publiques contre Jean Ronald Joseph et plusieurs collaborateurs pour détournement de fonds publics, faux et usage de faux, et entrave à la justice.

Les personnes nommées Priscille Mazile Milord, Ashley Jean Joseph, Distey-Phanord Joseph, Recilor Fede, Taisha Anna Melissandre St Remy et Marie Taissa Mazile sont impliquées dans cette affaire pour détournement de biens publics, faux et usage de faux, selon le rapport de l’ULCC.

ISPAN : l’ULCC épingle des irrégularités dans les marchés publics

Un troisième rapport concerne l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN), notamment le projet de restauration de sites historiques.

L’enquête, déclenchée suite à un signalement de la Fondation Je Klere (FJKL), relève : un fractionnement illégal des marchés; l’absence d’ouverture et d’évaluation des offres; l’attribution répétée de contrats à des entreprises proches de la direction et des violations de la loi du 10 juin 2009 sur la passation des marchés publics.

Le rapport met en cause le Directeur Général Patrick Durandis et le coordonnateur du projet Elsoit Colas, accusés d’avoir contourné les procédures pour favoriser plusieurs entreprises, dont BARGEC, REB DEAL Construction and More, et Magic Concept et Services.

L’ULCC recommande un audit complet des dépenses ; une commission indépendante pour réévaluer les travaux ; la mise en place d’un comité de passation des marchés fonctionnel et des poursuites pénales pour abus de fonction et passation illégale de marchés.

UPBAS, enrichissement suspect de certains cadres

Le cinquième rapport concerne l’Université Publique du Bas-Artibonite (UPBAS) et Adzenwiller Azarre, directeur des opérations et fils de l’ancien recteur Wilfrid Azarre.

Entre 2020 et 2024, ses revenus officiels s’élèvent à 4,88 millions de gourdes, alors que ses dépôts bancaires dépassent 24 millions de gourdes, soit une hausse de 951,7 %, incompatible avec ses revenus légitimes.

Des dépôts effectués par Stéphane Lachapelle, secrétaire du recteur et proche d’Adzenwiller Azarre, n’ont pas pu être justifiés lors de l’enquête. L’ULCC conclut à un enrichissement illicite et recommande la mise en mouvement de l’action publique contre le cadre universitaire.

Avec ces cinq rapports, l’ULCC remet entre les mains de la justice des dossiers sensibles touchant le sommet de l’État, des institutions publiques et des fonds essentiels au développement.

L’institution appelle à un suivi rigoureux de ces affaires et à un renforcement des mécanismes de contrôle, dans un contexte national où la confiance envers les institutions reste fragile et où la transparence est plus que jamais exigée.

La corruption continue de miner les institutions, de détourner les ressources publiques et d’affaiblir la confiance des citoyens, rappelant que la transparence et la rigueur restent des enjeux majeurs pour l’avenir d’Haïti.

Redaction Journal la Direction

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