Des artères vibrantes de Port-au-Prince aux quartiers haïtiens d’outre-mer, le compas demeure une force musicale capable de rassembler toutes les générations. Ce rythme né en Haïti, devenu au fil du temps un élément central de l’identité nationale, vient de rejoindre officiellement ce mercredi 10 décembre 2025, la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, à l’issue de la 20ᵉ session du Comité intergouvernemental réunie à New Delhi, en Inde.
Cette inscription couronne plusieurs années de travail collectif porté par des institutions culturelles, des chercheurs, des écoles de musique et des communautés artistiques mobilisées pour faire reconnaître cette expression unique du patrimoine haïtien.
À la fois musique et danse, le compas – ou konpa, s’est forgé à partir des rythmes traditionnels du pays, enrichis d’influences venues des Caraïbes, d’Afrique et d’ailleurs. On y retrouve une section rythmique solide, des percussions régulières, des guitares qui se répondent et une ligne mélodique soutenue par les claviers. La batterie, avec son tempo syncopé, donne au genre cette pulsation irrésistible qui pousse à bouger, même sans s’en rendre compte.
En Haïti, le compas accompagne le quotidien : il résonne dans les restaurants dansants, s’échappe des bus, anime les places publiques et rythme la programmation des radios. C’est une musique impossible à ignorer. À peine quelques notes suffisent pour que les corps se laissent emporter, la tête balance, les pieds esquissent des pas.
Pour beaucoup, cette musique reflète la mémoire collective du pays. Elle raconte les joies, les luttes, les espoirs et les rêves d’un peuple qui trouve dans le rythme un moyen de rester uni. Déjà présent dans le registre national du patrimoine immatériel, le compas rejoint désormais d’autres emblèmes culturels haïtiens reconnus à l’international.
Selon le communiqué du ministère de la Culture, cette musique crée « un espace de rassemblement et d’appartenance partagée », un lien qui unit les Haïtiens du pays et de la diaspora.
L’UNESCO souligne dans son évaluation que le compas crée un espace de rassemblement, un moment suspendu où les Haïtiens d’ici et d’ailleurs se reconnaissent dans un même mouvement. Sa portée dépasse les frontières : il accompagne les fêtes familiales, les carnavals, les soirées de la diaspora et continue d’inspirer de nouvelles formes d’expression.
Au fil des décennies, il s’est transformé, modernisé, revisité, mais sans jamais renier ce qui fait son âme. Classiques d’hier et succès d’aujourd’hui portent les mêmes fondations : une énergie vibrante, une joie contagieuse et une créativité qui traversent les époques.
Le compas n’appartient plus à une seule génération, ni à un seul courant. Il est devenu un langage commun, un point d’ancrage culturel qui réunit, apaise, célèbre. Sa reconnaissance internationale confirme la place essentielle qu’il occupe dans la vie des Haïtiens et inscrit officiellement son héritage musical dans la grande mémoire du monde.
Une mémoire désormais inscrite aux côtés de la soupe joumou et de la cassave, déjà reconnues par l’UNESCO, ainsi que du Parc national historique Citadelle, Sans-Souci et Ramiers, classé au patrimoine mondial.
Mederson Alcindor
