En dépit de son inactivité depuis près de cinq années, le Parlement haïtien continue d’imposer un lourd fardeau à l’économie nationale. Alors que le pays s’enlise dans une crise multidimensionnelle, l’une des institutions les plus emblématiques de la République demeure silencieuse, absente des débats cruciaux, mais étonnamment bien entretenue sur le plan budgétaire.
Depuis sa mise en veille, cette institution a coûté à l’État plus de 10 milliards de gourdes, selon des données qui suscitent à la fois indignation et incompréhension. Pour l’exercice fiscal 2024-2025, un montant de 3,5 milliards de gourdes a été alloué au Parlement, non pas pour faire fonctionner ses chambres, débattre de lois ou contrôler l’action gouvernementale, mais essentiellement pour assurer le paiement de quelque 4 000 employés.
La majorité de ces salariés, qui perçoivent leurs salaires par virement ou en se rendant directement à Delmas, ne sont rattachés à aucune activité parlementaire effective. Ce phénomène interroge sur la logique de maintenir des ressources humaines aussi massives dans une institution qui n’a ni sénateur ni député en fonction, et dont les bâtiments sont devenus quasi désertiques.
Dans un pays où l’insécurité alimentaire progresse, où les hôpitaux manquent de médicaments et où les écoles ferment leurs portes faute de moyens, cette enveloppe colossale pose une question essentielle : pourquoi continuer à financer ce Parlement fantôme alors que la population lutte au quotidien pour sa survie ?
Au-delà des chiffres, cette situation traduit un mal profond : l’impunité administrative et l’absence de reddition de comptes. Dans d’autres pays, une telle gabegie budgétaire aurait déclenché des enquêtes, voire des audits indépendants. En Haïti, elle semble pourtant normalisée.
Ce budget, qui aurait pu être orienté vers la santé, l’éducation ou la sécurité, montre à quel point certaines priorités étatiques demeurent déconnectées des réalités sociales. L’heure est venue de repenser l’allocation des ressources publiques, de redonner du sens à la notion de service public et de rétablir un minimum de cohérence entre les dépenses de l’État et les besoins fondamentaux de la population.
Tant que des institutions sans activité continueront d’engloutir des milliards sans justification, le pays restera prisonnier d’un système inefficace, au détriment de son avenir collectif.