vendredi, juin 6

Alors que les institutions publiques multiplient les signaux de bonne volonté dans la lutte contre la corruption, une ombre persistante plane sur l’un de leurs principaux instruments : l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). Ce paradoxe se manifeste au moment même où une initiative de formation est lancée pour professionnaliser davantage les enquêtes financières menées par la Task Force anti-corruption.

Depuis le 4 juin 2025, une formation spécialisée en analyse des données financières est en cours, soutenue par l’Office des nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Elle vise à outiller les enquêteurs pour détecter plus efficacement les fraudes, suivre les flux financiers suspects et renforcer la traçabilité des transactions. Une avancée saluée sur le papier, qui s’inscrit dans le cadre des engagements pris par Haïti en vertu de la Convention des nations unies contre la corruption (UNCAC).

Mais cette dynamique est freinée par des remous internes et des accusations d’abus. Le cas de trois fonctionnaires arrêtés le 6 mai à la Direction de l’Immigration – puis libérés deux jours plus tard par décision du tribunal – a ravivé le débat. Le doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Bernard Saint-Vil, a jugé leur arrestation illégale, dénonçant une action sans mandat valide ni base juridique claire. Une source judiciaire évoque une violation manifeste des procédures.

Cette affaire n’est pas isolée. Plusieurs plaintes formelles ont été soumises au Barreau de Port-au-Prince contre Me Hans Joseph, directeur général de l’ULCC. Les griefs portent sur des décisions jugées arbitraires et des manquements à l’éthique. Des éléments compromettants concernant ses liens personnels avec des figures politiques controversées ont récemment disparu du web, alimentant encore davantage la suspicion.

Des voix du monde judiciaire montent également au créneau. L’avocat Guerby Blaise, docteur en droit pénal, a publiquement mis en cause la validité juridique d’un rapport de l’ULCC visant l’un de ses clients. Il pointe l’absence de référence à des bases légales existantes, comme l’arrêté Jouthe du 9 février 2021, et parle d’un document politiquement orienté. Un autre acteur, l’ancien député Patrick Norzéus, dénonce lui aussi une instrumentalisation politique de l’institution.

Au-delà des critiques circonstancielles, c’est la posture même de l’ULCC qui est questionnée. Si l’unité veut se positionner comme un rempart contre la corruption, elle doit elle-même éviter toute dérive pouvant entacher sa légitimité. Dans une période où la confiance des citoyens envers les institutions est au plus bas, chaque faux pas compromet davantage les efforts entrepris.

Renforcer les compétences techniques est une chose. Mais sans une réforme en profondeur de la gouvernance, des procédures et de la transparence de l’ULCC, les formations et engagements internationaux risquent de n’être que des vitrines sans effet réel.

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