vendredi, juin 6

Le 30 mai dernier, la saison cyclonique a été officiellement lancée en Haïti, dans une atmosphère mêlée de préoccupations climatiques et d’inquiétudes profondes sur la capacité réelle de l’État à faire face aux urgences. Le Centre d’opérations d’urgence national a accueilli plusieurs membres du gouvernement de transition ainsi que des représentants internationaux, mais c’est surtout la déclaration du président du Conseil Présidentiel, Fritz Alphonse Jean, qui a retenu l’attention.

Le pays, déjà affaibli par une série de crises, se retrouve confronté à un autre paradoxe : malgré les ressources budgétaires disponibles, l’action publique reste figée. Fritz Jean a donné le ton d’entrée de jeu : sur chaque 1 000 gourdes prévues dans le budget, seules 137 ont été utilisées. Une réalité difficile à justifier dans un contexte où tout semble urgent — de la menace climatique à l’insécurité, en passant par la détresse des populations.

Pour tenter de répondre à ce blocage, il a été annoncé la formation d’un comité regroupant des institutions clés : ministère des Finances, Planification, Cour des Comptes, CNMP, police et armée. Objectif : mieux encadrer les dépenses publiques et accélérer les décaissements. Une décision présentée comme technique, mais qui traduit un malaise beaucoup plus large sur la gouvernance du pays.

Dans son intervention, Fritz Jean ne s’est pas limité à dresser un bilan budgétaire. Il a lié l’inaction de l’État aux problèmes structurels qui rongent la société haïtienne depuis des décennies : déforestation, délabrement institutionnel, exclusion, perte de confiance dans les mécanismes publics. Ce n’est pas qu’une affaire d’ouragans. C’est un pays entier qui est exposé, et pas seulement aux pluies.

Alors que les experts prévoient une saison particulièrement active sur le plan météorologique, les promesses de plans d’urgence, de stocks humanitaires prépositionnés et de centres d’hébergement se multiplient. Reste à savoir si ces promesses déboucheront sur des actions concrètes. Dans les quartiers vulnérables, on ne parle plus de prévention mais de survie. Et chaque délai, chaque retard administratif, peut coûter des vies.

Le président du Conseil n’a pas non plus évité le sujet brûlant des sanctions internationales. Il a dénoncé le silence institutionnel autour des personnalités haïtiennes visées par des mesures étrangères. À ses yeux, il est anormal que d’autres pays s’occupent de ce que la justice haïtienne devrait déjà avoir pris en main. Ce rappel vise sans doute à pousser à une forme d’électrochoc moral, dans un pays où le déni et l’impunité sont devenus monnaie courante.

En filigrane de ce discours, une volonté affichée de reconstruire sur des bases nouvelles : plus de transparence, plus de rigueur, une gestion plus ancrée dans les réalités du territoire. Mais les discours, si bien intentionnés soient-ils, ne suffisent plus. Les gens attendent des gestes forts, visibles, qui rompent avec la routine d’un État paralysé.

Avec une saison cyclonique qui s’ouvre dans un contexte de grande instabilité, les prochains mois seront décisifs. Non seulement pour tester les capacités de réaction des institutions, mais aussi pour voir si les promesses de changement s’accompagnent enfin de mesures à la hauteur des urgences

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