l y a des décisions qui parlent plus fort que tous les discours officiels. Pendant que l’aéroport Toussaint Louverture devient une zone grise où la peur remplace les contrôles de sécurité, pendant que des familles entières fuient leurs maisons à cause des balles perdues, l’État haïtien trouve 11 millions de dollars. Pas pour renforcer la sécurité, ni pour reconstruire une école ou rouvrir un hôpital. Non. Pour les offrir à Sunrise Airways, une compagnie aérienne privée déjà bien installée.
Ce n’est pas de la relance économique, c’est du favoritisme pur et simple. Une injection d’argent public dans une entreprise privée en situation de monopole, pendant que la majorité de la population ne peut même pas rêver d’un billet d’avion. Le message est clair : en Haïti, ce ne sont pas les urgences qui décident, ce sont les connexions.
Le gouvernement veut faire croire qu’il s’agit de désenclaver certaines régions. Mais quel désenclavement peut être durable quand l’insécurité dicte encore la loi sur les routes, dans les villes, jusque dans les zones aéroportuaires ? Est-ce qu’un vol de Sunrise peut vraiment remplacer une route nationale réhabilitée ou une zone pacifiée ? Bien sûr que non. C’est une illusion qu’on finance à prix fort, pendant que le chaos au sol s’aggrave.
Ce genre de décision ne choque même plus. C’est ça le pire. On s’habitue à ce que les priorités de l’État ne ressemblent jamais aux priorités du peuple. On normalise l’absurde, on justifie l’injustifiable, pendant que les vraies urgences, elles, continuent de mourir en silence.
À ce rythme, il ne restera bientôt plus rien à désenclaver. Ni routes, ni villes, ni espoirs.