Cédras : le général qui a trahi l’armée et détruit la République
Le 30 septembre 1991, un coup d’État militaire dirigé par le lieutenant-général Raoul Cédras renverse le président démocratiquement élu Jean-Bertrand Aristide. Soutenu par une partie de la bourgeoisie haïtienne et des intérêts étrangers, Cédras, alors présenté comme un militaire « modéré » et rationnel, prend la tête d’une junte qui va gouverner Haïti d’une main de fer pendant trois longues années.
Mais derrière l’uniforme et les discours diplomatiques, son régime s’est illustré par la terreur, la répression, les assassinats politiques et la montée en puissance de groupes paramilitaires comme le tristement célèbre FRAPH de Toto Constant. Ces unités, main dans la main avec les Forces armées d’Haïti (FAd’H), ont été accusées de crimes de masse, notamment lors du massacre de Raboteau. Des milliers d’Haïtiens ont été tués ou forcés à l’exil. Les droits humains ont été piétinés, sous le silence complice de certaines élites économiques.
Le général Cédras : un pouvoir par les armes, pour les armes.
Jamais élu, Raoul Cédras a pris le pouvoir par la force. Sa légitimité reposait sur les fusils, non sur les urnes. Bien qu’il ait signé l’Accord de Governors Island en juillet 1993 pour faciliter la transition politique et permettre le retour d’Aristide, il traîne les pieds. Ce n’est que sous la pression directe des États-Unis, avec la menace d’une intervention militaire, qu’il finit par céder et accepte de s’exiler au Panama en octobre 1994.
Avant son départ, il adresse une lettre au président Aristide pour demander sa mise à la retraite « pour le bien de l’institution militaire ». Mais le mal est déjà fait. L’armée haïtienne, discréditée et gangrenée par les abus, est dissoute en 1995 par Aristide à son retour.
Une armée détruite de l’intérieur
Le régime Cédras incarne la déchéance morale et structurelle de l’armée haïtienne. Ce qui devait être une force de protection nationale s’est transformé en machine de mort. En pactisant avec les instincts les plus violents de la répression politique et de la corruption, Cédras a définitivement sapé la crédibilité d’une institution vieille de plus d’un siècle. La confusion entre pouvoir militaire et autorité politique, l’impunité, l’absence de principes républicains ont mené à l’effondrement total de l’armée.
Une leçon pour la jeunesse militaire d’aujourd’hui
Alors qu’Haïti tente de reconstruire une armée moderne, professionnelle et respectueuse des droits humains, l’exemple de Raoul Cédras doit servir d’avertissement. Le militaire haïtien de demain ne peut et ne doit pas ressembler à ce général. Être soldat ne signifie pas prendre le pouvoir contre le peuple, mais le servir, le protéger, dans le respect de la Constitution et de la démocratie.
Raoul Cédras restera dans l’histoire non pas comme un chef militaire digne ou un patriote, mais comme le fossoyeur de l’armée haïtienne. Son passage au pouvoir, teinté de sang, de peur et de chaos, est une page sombre que le pays ne doit jamais oublier.
Cédras est parti, mais les cicatrices restent.
À la nouvelle génération de soldats de ne pas reproduire ses erreurs.
À elle de restaurer la dignité de l’uniforme et de bâtir une armée au service du peuple.
Y. D