Haïti a renoué, mardi 18 novembre 2025, avec un rêve que l’on croyait trop lointain. En s’imposant 2-0 face au Nicaragua au stade Ergilio Hato de Curaçao, les Grenadiers ont décroché leur qualification pour la Coupe du monde 2026. Un exploit monumental, 52 ans après la première et unique participation du pays en 1974, qui redonne souffle, fierté et perspective à un peuple marqué par des années de crises.
Le match décisif n’a laissé aucune place au doute. Dès la 9ᵉ minute, Don Deedson Louicius a fait exploser le camp haïtien d’une frappe du gauche, avant que Ruben Providence, révélation de l’année, ne double la mise dans le temps additionnel de la première période (45+1’).
Avec cette victoire, Haïti termine en tête du groupe C avec 11 points, devant le Honduras (9 pts) et le Costa Rica (7 pts), pourtant habitués des grandes compétitions internationales.
Cette performance prend une dimension particulière car la rencontre aurait dû se jouer en Haïti, mais la situation sécuritaire a contraint la sélection à disputer tous ses matchs à l’extérieur. Malgré l’exil forcé, le groupe a trouvé une alchimie rare sous la direction du sélectionneur Sébastien Migné, mêlant cadres expérimentés, comme le capitaine Johnny Placide, et jeunes talents comme Providence, repéré en deuxième division néerlandaise.
Une génération qui rallume la flamme
Au coup de sifflet final, les joueurs ont laissé éclater des émotions longtemps contenues : sourires, chants, étreintes, larmes. Cette qualification, arrachée loin de Port-au-Prince, sonne comme une revanche sportive et humaine.
L’équipe a déjoué les pronostics dans un groupe où figurait notamment le Costa Rica, quart de finaliste du Mondial 2014, et qui avait participé à cinq des six dernières Coupes du monde.
Pour Haïti, ce retour au Mondial marque le début d’un nouveau cycle, porté par une jeunesse ambitieuse et déterminée à replacer le pays sur la carte du football mondial. Ce groupe est prêt à faire mieux que les pionniers de 1974 et décrocher au moins un premier point en phase de groupe.
Le pays chavire de joie malgré la crise
Au-delà du sport, c’est tout un pays qui a respiré différemment. À Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Gonaïves, Cayes, Jérémie, comme dans les quartiers les plus éprouvés par l’insécurité, des milliers de personnes sont sorties célébrer, malgré l’absence d’électricité.
Des drapeaux agités dans la nuit noire, des feux improvisés, les klaxons en continu et des chants portés par une population en quête d’espoir, Haïti a vibré comme rarement ces dernières années.
Pour les supporters, ce moment dépasse la simple qualification. Il représente un instant de respiration nationale, une lumière dans un contexte marqué par les violences, les déplacements internes, l’instabilité politique et une économie étouffée.
Un exploit arraché loin du sol natal
L’élément le plus marquant reste peut-être la résilience du groupe. Contraint de vivre, s’entraîner et jouer loin du pays, le onze haïtien a transformé l’adversité en moteur. Cette performance est le fruit d’un travail patient du staff, d’un esprit collectif renforcé par les difficultés et d’un soutien populaire qui n’a jamais faibli, en Haïti comme au sein de la diaspora.
Cette qualification met fin à plus de cinq décennies d’attente et ravive les ambitions d’un pays souvent malmené par l’actualité. Elle renforce l’idée que le football peut encore rassembler, unir et offrir un horizon, même dans les périodes les plus sombres.
L’été prochain, aux États-Unis, au Mexique et au Canada, les Grenadiers tenteront d’écrire un nouveau chapitre. Et, déjà, toute une nation se remet à rêver.
Mederson Alcindor
