Semaine étrange, où une fente de lumière a traversé notre nuit interminable. On a parlé d’espoir, mais ce fut davantage une jubilation soudaine, un sursaut d’âme, un éclat d’émotion brute. Notre sélection nationale, contre toute fatalité, a conquis son passage vers la Coupe du monde depuis 1974, jamais un tel frémissement n’avait secoué nos mémoires.
Et ce 18 novembre 2025, la zone métropolitaine s’est transformée en une chambre d’écho géante où des milliers de cœurs ont battu au même rythme. Une euphorie impromptue, presque sacrée, a balayé les rues.
Le temps d’un souffle, nos plaies sociales, nos humiliations quotidiennes, nos urgences existentielles ont cessé de peser. Même les rafales d’armes qui pullulent ici autant que les rapports mensongers d’une communauté internationale oscillant entre indifférence et condescendance n’ont pas su ébranler notre joie.
Pour la première fois, nous n’avons pas eu peur. Ou peut-être avons-nous simplement refusé d’avoir peur.
Puis, comme toujours, le voile est retombé. Le décor s’est éteint. La vie a repris son goût amer, acide, presque corrosif. Nous implorons le minimum (sécurité, travail, accès à la nourriture, respect des missions régaliennes de l’Etat), mais ces revendications, pourtant élémentaires, semblent appartenir au domaine du luxe pour ce gouvernement improvisé, déphasé, désincarné, qui s’entête à appeler “gestion” ce qui n’est qu’un chaos sous perfusion.
Les discours insurgés de la veille se muent en murmures opaques dès que leurs auteurs posent un pied dans les couloirs du pouvoir. L’homme cherchant le pouvoir n’est jamais l’homme qui l’exerce voilà la tragédie que nous connaissons par cœur. Toutes ses convictions s’évaporent. Le décor tombe. Et comme le dirait le réalisateur : “Et… coupe !”
Quant à leurs conciliabules grotesques tenus dans des hôtels prétendument luxueux, ils ne sont qu’une mascarade où les décisions s’évaporent et les factures ruissellent sur un seul dos, celui du peuple. Ce peuple qui leur donne corps, souffle et existence mais qui, jamais, n’obtient ne serait-ce qu’un sourire de gratitude même feint, même cynique.
Alors, Haïti…
Quel visage porteras-tu demain ?
Ton sursaut footballistique sera-t-il une étincelle ou la dernière illusion avant l’effondrement ?
Pourras-tu accueillir tes joueurs sur un sol qui ne saigne plus ?
Auras-tu l’audace de te redresser, d’affronter ton propre miroir, de retisser ta dignité éparse ?
Sauras-tu, enfin, réécrire ton histoire sans trembler ? Il faudra, pour cela, plus qu’un miracle, mais une volonté acharnée, un courage incandescent, et la fidélité farouche de tes fils et filles qui refusent encore de se laisser engloutir…
Isha, Fille d’Haïti
22 novembre 2025
