Après plus d’une décennie de réserve publique sur sa relation avec Michel Martelly, l’ancien Premier ministre Laurent Salvador Lamothe a rompu le silence. Dans une déclaration diffusée ce samedi 6 septembre 2025, sur son compte Instagram, il a affirmé que toute relation personnelle ou politique avec l’ancien chef de l’État « appartient désormais au passé », mettant un terme définitif à une alliance qui avait marqué les premières années du pouvoir Tèt Kale.
Dans son message, Lamothe explique avoir réagi à une remarque d’une passante haïtienne lui rappelant qu’il formait « une belle équipe » avec Michel Martelly. Une appréciation qu’il dit ne plus refléter la réalité. « Cette époque est révolue depuis longtemps », écrit-il, précisant que la rupture avait commencé dès 2014, au terme de son passage à la Primature et au ministère des Affaires étrangères et des Cultes.
Une amitié devenue alliance politique
Les deux hommes ont longtemps affiché une relation de proximité, forgée avant leur entrée au pouvoir. Leur collaboration s’était renforcée en 2012 lorsque Michel Martelly, fraîchement élu, avait fait de Laurent Lamothe l’une des figures centrales de son administration. Ensemble, ils avaient promu la vision d’un exécutif dynamique, orienté vers l’investissement et la diplomatie économique. Leur tandem avait façonné l’image d’un pouvoir soudé, malgré les critiques et les turbulences politiques.
Mais selon Lamothe, les fondations de cette relation se seraient fissurées bien avant la fin du quinquennat. « La rupture personnelle et politique a pris racine en 2014 », dit-il aujourd’hui. Il évoque des années de loyauté qu’il estime avoir offertes sans compter, avant que la confiance ne s’effrite.
Un point de rupture irréversible en 2021
L’ancien Premier ministre affirme que le moment décisif a été le 9 juillet 2021, au lendemain de l’assassinat de Jovenel Moïse. « À partir de là : plus d’équipe, plus de lien. La page était tournée sans retour possible », déclare-t-il. Il évoque une relation devenue impossible, marquée selon lui par « l’ingratitude » et « la manipulation » qu’il associe désormais au fonctionnement politique de son ancien allié.
Dans une démarche inédite, l’ancien chancelier haïtien a présenté également ses excuses publiques pour avoir soutenu Michel Martelly au pouvoir. Il estime aujourd’hui, avec le recul, que ce soutien a été « la plus grande erreur » de sa carrière politique.
Un désaveu qui intervient dans un contexte de pressions internationales
Cette prise de position intervient alors que les deux hommes sont, depuis novembre 2022, visés par des sanctions imposées par le gouvernement canadien. Ottawa les accuse d’avoir facilité ou permis des activités de gangs armés, notamment via le blanchiment d’argent et d’autres actes de corruption, selon un communiqué du ministère canadien des Affaires étrangères. Ces mesures incluent l’interdiction de toute transaction financière et le gel de leurs avoirs au Canada.
À ces sanctions s’ajoutent celles du Département d’État américain visant Laurent Lamothe. Washington l’accuse d’avoir détourné au moins 60 millions de dollars du fonds PetroCaribe à des fins privées durant son passage au gouvernement, un fonds consacré à des projets sociaux et d’investissement public.
La rupture publique de Laurent Lamothe avec Michel Martelly tranche avec la prudence qui caractérisait jusque-là ses prises de position. Elle intervient à un moment où les responsabilités des dirigeants de la décennie passée sont de plus en plus scrutées, dans un pays en proie à une crise prolongée.
Redaction Journal la Diaspora


