jeudi, décembre 18

En Haïti, la politique avance comme un tap-tap sans freins : bruyante, dangereuse, toujours prête à écraser les mêmes passagers. Cette semaine encore, la transition nous a offert son numéro favori : parler beaucoup pour ne rien dire. Pendant que nos dirigeants transitoires collectionnent les miles diplomatiques et les poignées de main à Washington, le pays, lui, continue de marcher pieds nus sur des braises.

À l’étranger, on explique Haïti avec des mots savants : gouvernance, stabilité, feuille de route. À l’intérieur, la réalité est plus simple, plus crue. Les sanctions internationales tombent enfin sur certaines figures bien connues du désordre national. On découvre, soudain, que des liens existaient entre le pouvoir et les gangs. Quelle révélation. En Haïti, même les enfants savent que la politique et les armes partagent la même table depuis longtemps. Mais ici, la vérité n’est officielle que lorsqu’elle est validée à l’extérieur.

Pendant ce temps, les gangs s’entretuent, se fragmentent, se reforment. Ils changent de chefs comme on change de chemise, mais leur mission reste la même : imposer la loi du plus armé. L’État observe, compte les morts, publie des communiqués. Et puis, comme un rituel devenu presque indécent, on nous annonce des élections : août 2026. La date est lancée avec solennité, comme si prononcer un calendrier suffisait à créer un pays. En Haïti, les élections sont devenues une incantation : on les invoque pour calmer la colère, pas pour rendre le pouvoir au peuple.

La communauté internationale, fidèle à elle-même, oscille entre inquiétude et lassitude. Elle soutient, finance, condamne, recommande. Mais elle ne vit jamais ce que vit le citoyen ordinaire : l’angoisse quotidienne, l’humiliation de ne pas savoir si l’on rentrera chez soi le soir.

Et pourtant, malgré cette farce tragique, Haïti tient encore debout. Non pas grâce à ses dirigeants, mais malgré eux. Le peuple endure, s’adapte, se tait parfois, crie souvent, mais n’abdique pas.

Nou bouke, men nou poko kraze.

Isha, Fille d’Haïti

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