— Réflexion sur une capitale en détresse
Il fut un temps où Port-au-Prince brillait d’un éclat singulier. Dominant la baie avec ses maisons colorées, ses marchés animés, ses places publiques pleines de vie, la ville était un symbole de la fierté haïtienne. On y croisait des écrivains, des marchands, des étudiants, des rêveurs. L’effervescence de la capitale incarnait l’âme d’un pays qui, malgré ses blessures, refusait de plier.
Aujourd’hui, ce rêve est brisé.
Port-au-Prince est devenue une ville assiégée, non pas par une force étrangère, mais par ses propres douleurs non traitées. Des quartiers entiers sont sous le contrôle de gangs lourdement armés. L’État, impuissant ou complice, a abandonné ses responsabilités fondamentales. Les habitants vivent dans la peur constante : peur d’être kidnappés, peur de se faire tuer, peur même de sortir chercher de l’eau ou aller à l’école.
Ce que nous voyons, c’est une ville en ruine morale autant que physique.
La vie sociale s’est effondrée. Les écoles ferment. Les hôpitaux ne reçoivent plus. Les routes sont barrées, les commerces désertés, les quartiers autrefois joyeux sont devenus des zones de guerre. La misère, déjà omniprésente, s’est transformée en enfer organisé.
Et pourtant… dans les regards fatigués des Port-au-Princiens, il reste des braises d’espoir.
L’espoir que la communauté internationale ne détournera pas le regard. L’espoir que la société civile continuera de s’organiser. L’espoir qu’un jour, un véritable leadership émergera, un leadership qui servira le peuple au lieu de le trahir.
Port-au-Prince est tombée, mais elle n’est pas morte. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est une prise de conscience collective, un refus de normaliser la barbarie, un engagement à restaurer la dignité de la ville et de ceux qui y vivent.
Parce que la perle des Antilles peut encore briller, si l’on a le courage d’en chasser l’ombre.