Le nombre d’enfants contraints de fuir leur foyer à cause de la violence armée en Haïti a presque doublé en un an pour atteindre 680 000, selon un rapport publié mercredi par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF). L’agence onusienne alerte sur une situation humanitaire dramatique où les mineurs sont exposés à la faim, aux violences sexuelles, au recrutement forcé et à la déscolarisation.
Au total, 1,3 million de personnes ont été déplacées à travers le pays, principalement dans la région métropolitaine de Port-au-Prince et dans l’Artibonite. Le rapport souligne que la montée en puissance des groupes armés, qui contrôlent désormais plus de 85 % de la capitale, a provoqué un déplacement massif des populations, souvent à plusieurs reprises, à mesure que les affrontements se déplacent d’un quartier à l’autre.
Des enfants privés d’école et exposés à la faim
L’UNICEF estime que 3,3 millions d’enfants, soit la moitié de la population infantile du pays, ont besoin d’une aide humanitaire urgente. Environ 1 million d’entre eux souffrent d’insécurité alimentaire aiguë, tandis que 288 000 enfants de moins de cinq ans risquent la malnutrition sévère cette année.
La crise sécuritaire a également un impact dévastateur sur le système éducatif : plus de 1 080 écoles ont dû fermer leurs portes depuis le début de l’année, touchant près de 500 000 élèves. Certaines écoles servent désormais d’abris pour les déplacés — 84 établissements accueillent des familles qui ont tout perdu. L’an dernier, 25 écoles ont même été occupées par des groupes armés, selon les chiffres de l’agence onusienne.

Des mineurs enrôlés et exploités
Le rapport décrit une situation alarmante pour les enfants vivant dans les zones sous contrôle des groupes armés. Certains, âgés d’à peine 10 ans, sont forcés de porter des armes, de surveiller les rues ou d’agir comme boucliers humains. Les filles, particulièrement vulnérables, subissent des violences sexuelles et des formes variées d’exploitation.
« En Haïti, les enfants subissent des violences et des déplacements d’une ampleur terrifiante », a déclaré Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF. « Chaque fois qu’ils sont contraints de fuir, ils perdent non seulement leur maison, mais aussi la possibilité d’aller à l’école et, tout simplement, d’être des enfants. »

Une aide humanitaire gravement insuffisante
Malgré l’ampleur de la crise, l’appel humanitaire de l’UNICEF pour Haïti n’est financé qu’à 13 %, limitant sévèrement les programmes de protection, d’alimentation et de soins médicaux destinés aux enfants. L’organisation souligne que 1,6 million de femmes et d’enfants vivent actuellement dans des zones inaccessibles aux travailleurs humanitaires.
Depuis le début de l’année, l’UNICEF affirme avoir soigné 86 000 enfants souffrant de malnutrition, fourni des soins de santé à 117 000 personnes et distribué de l’eau potable à 140 000 bénéficiaires. En parallèle, 178 enfants associés à des groupes armés ont été démobilisés et réintégrés dans leur communauté depuis 2024.
Un appel à la mobilisation internationale
Face à cette situation d’urgence multiple: sécurité, santé, alimentation, éducation, l’UNICEF appelle à une mobilisation accrue de la communauté internationale.
« Sans action décisive, l’avenir de toute une génération est en jeu », avertit le rapport.
L’agence exhorte les autorités haïtiennes et leurs partenaires à intensifier les efforts pour rétablir la sécurité, garantir l’accès humanitaire et assurer la protection des enfants, premières victimes d’une crise qui ne cesse de s’aggraver.
Mederson Alcindor