Dans le contexte actuel, l’économie haïtienne est confrontée à une dégradation sans précédent. La conjoncture politique et sécuritaire instable continue de peser lourdement sur tous les secteurs, freinant la croissance, affaiblissant les investissements et aggravant la pauvreté déjà structurelle. Le pays semble pris dans un cercle vicieux où l’insécurité nourrit la récession, et la récession accentue l’insécurité.
Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, le produit intérieur brut (PIB) réel d’Haïti a reculé de 1.7 % en 2023. Le FMI, de son côté, prévoit un ralentissement encore plus marqué si les conditions actuelles persistent. L’inflation reste à un niveau alarmant : au mois d’avril 2025, elle s’élevait à 45 %, affectant gravement le pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables. Les prix des produits de première nécessité ont flambé, avec des hausses enregistrées de plus de 50 % pour le riz, le maïs, ou encore l’huile végétale. Dans les marchés populaires, les consommateurs achètent de plus en plus à l’unité, illustrant une économie de survie qui se généralise.
Le secteur informel, qui représente plus de 80 % des emplois, subit également les effets de l’insécurité. À Port-au-Prince, de nombreux commerçants se voient contraints de fuir certaines zones devenues infréquentables, comme Martissant, Carrefour, ou Croix-des-Bouquets. Cela entraîne une désorganisation des circuits de distribution et un ralentissement des échanges internes. De plus, les transports de marchandises sont souvent bloqués ou interceptés par des groupes armés, ce qui entraîne une pénurie sur certains produits.
Du côté des recettes fiscales, l’État peine à collecter. En 2024, la Direction générale des impôts (DGI) n’a atteint que 68 % de ses prévisions budgétaires, un manque à gagner qui paralyse les investissements publics dans l’éducation, la santé ou les infrastructures. Le budget national, déjà réduit, dépend encore à plus de 50 % de l’aide extérieure, dans un contexte où la coopération internationale se fait de plus en plus conditionnelle.
Par ailleurs, la gourde continue de perdre de sa valeur face au dollar américain. Ce mois de mai 2025, le taux de change a dépassé la barre symbolique de 140 gourdes pour un dollar sur le marché informel. Cette dépréciation constante renchérit les importations, notamment celles des produits pétroliers, dont les prix à la pompe dépassent désormais les 560 gourdes le gallon.
L’impact sur l’emploi est également préoccupant. Le taux de chômage des jeunes avoisine les 60 %, alimentant un sentiment d’exclusion et poussant certains vers la migration ou des activités illégales. Le climat des affaires est jugé défavorable par les opérateurs économiques, découragés par les risques sécuritaires, la corruption, et l’absence de mécanismes fiables pour protéger les investissements.
Malgré ce tableau sombre, certains Haïtiens continuent à entreprendre, à innover, à résister. Des petites initiatives économiques locales, dans l’agro-transformation ou le numérique, émergent ici et là, souvent portées par la diaspora ou par des jeunes motivés. Mais sans une volonté politique claire, sans sécurité, sans institutions fortes, ces efforts isolés risquent de ne pas suffire.
Haïti a besoin d’un véritable plan de relance, construit sur la stabilité, la transparence, et une vision économique adaptée à ses réalités. Car tant que l’insécurité règnera, aucun indicateur ne pourra passer au vert durablement