Nous sommes à moins de cent jours du 7 février 2026. Date symbolique entre toutes, le 7 février évoque, depuis le départ de Jean-Claude Duvalier en 1986, la promesse d’un nouveau départ : celui d’une République debout, d’un peuple reprenant en main son destin. Gravée dans la mémoire nationale, cette date devait marquer le temps du renouveau, celui où le pouvoir retourne à la légitimité issue des urnes.
Pourtant, quarante ans après cet élan fondateur, l’histoire semble se répéter. Chaque fois qu’un gouvernement s’est trouvé, comme aujourd’hui, face à l’impossibilité d’organiser les élections à temps, il a préféré l’ambiguïté au courage. Par calcul ou par peur, il a choisi d’entretenir le flou, croyant y gagner du temps alors qu’il en faisait perdre au pays. Et, une fois encore, à la veille du 7 février, Haïti s’avance vers un nouveau vide institutionnel.
Cinq années se sont écoulées depuis la mort du dernier président démocratiquement élu. Depuis, la nation s’enlise dans une succession de transitions sans issue. Les promesses se sont éteintes, les institutions se sont effondrées, la misère s’est aggravée. La perspective d’élections, censées ramener un pouvoir légitime le 7 février prochain, s’est évaporée. Le constat est clair : aucune élection n’aura lieu avant la fin du mandat du Conseil présidentiel de transition.
Mais le plus grave dépasse ces constats connus. Le véritable drame réside dans cette incapacité à anticiper, à préparer l’avenir, dans cette habitude nationale de s’accrocher au pouvoir même lorsque tout vacille. Comme tant d’autres avant lui, le pouvoir de transition se réfugie dans le silence, espérant durer, alors qu’il ne fait que prolonger la crise. À mesure que s’approche l’échéance du 7 février, le pays risque à nouveau de plonger dans le vide : sans transition organisée, sans continuité institutionnelle, sans consensus.
Pourtant, tout n’est pas perdu. Un dernier geste de grandeur est encore possible. Le Conseil présidentiel de transition peut sauver l’honneur de la République en préparant, dès maintenant, son départ ordonné et digne. Gouverner, ce n’est pas s’accrocher : c’est savoir transmettre avant que la flamme ne s’éteigne.
L’Histoire ne retiendra pas ceux qui auront prolongé le désordre, mais ceux qui auront eu le courage de préférer la patrie à eux-mêmes. Le 7 février prochain, le Conseil présidentiel devra partir. Sa manière de quitter le pouvoir dira tout, ce sera soit une nouvelle chute, soit le premier pas vers une refondation nationale.
Éric Jean-Jacques


