samedi, décembre 27

Je n’ai pas jugé nécessaire, à ce stade, de m’exprimer directement sur le dossier judiciaire de Carel Pedre. Toutefois, la situation me touche profondément, surtout lorsque je considère son potentiel dans le monde culturel, son parcours et ce qu’il représente pour une partie importante de la jeunesse et de la diaspora haïtienne.

Si les accusations portées contre lui devaient s’avérer fondées, il est facile d’imaginer à quel point une telle situation peut être dévastatrice, tant sur le plan humain que professionnel. Cela dit, il est essentiel de préciser un point fondamental : ce qui arrive à Carel Pedre se déroule aux États-Unis, dans le cadre du fonctionnement du système judiciaire américain.

Pourtant, dans le débat public, la question de la déportation occupe une place disproportionnée, comme si elle constituait le cœur du problème. À mon sens, ce n’est pas là l’enjeu principal. Ce que représente Carel Pedre — son talent, son engagement culturel, sa contribution à l’espace public — ne devrait pas être réduit à une simple question migratoire.

Si la perspective d’un retour forcé inquiète autant, ce n’est pas en raison de la personne elle-même, mais parce que Haïti traverse une crise profonde et multidimensionnelle : insécurité généralisée, instabilité politique, effondrement des institutions, absence de perspectives durables.
C’est cette réalité qui pousse les enfants d’Haïti à chercher ailleurs ce que leur pays n’est plus en mesure de leur offrir.

Autrement dit, le problème n’est pas qu’un Haïtien vive ou travaille à l’étranger. Le véritable problème, c’est qu’Haïti, aujourd’hui, ne parvient plus à retenir ni à protéger ses propres talents. Cette affaire agit ainsi comme un révélateur brutal d’un malaise national qui dépasse largement le cas individuel de Carel Pedre.

Je tiens toutefois à être clair et responsable : jusqu’à présent, je ne distingue pas d’éléments évidents permettant d’affirmer que la justice aurait agi de manière injuste dans ce dossier. Cette situation m’amène plutôt à réfléchir sur la fragilité du système judiciaire américain dans certaines circonstances, notamment lorsqu’il intervient dans des contextes ordinaires de la vie quotidienne.

Il arrive, en effet, que de simples disputes verbales à l’intérieur d’un domicile, sans violence physique ni actes graves — deux voix qui s’élèvent lors d’un désaccord — conduisent à une intervention policière. Lorsque le voisinage alerte les autorités, cela peut déboucher sur une arrestation ou une détention, même en l’absence de violences avérées.
Je ne prétends pas que cela corresponde exactement au cas de Carel Pedre, mais selon les informations qui circulent, l’intervention aurait été déclenchée par un appel du voisinage.

Le véritable enjeu : la manière d’exprimer la solidarité

C’est ici que se situe, selon moi, le cœur du débat.

Lorsque certaines personnes affirment vouloir exprimer leur solidarité envers Carel Pedre, cette solidarité ne devrait en aucun cas passer par la diffusion de photos le montrant en uniforme de détenu, de mugshots, ou d’images où il apparaît menotté ou entravé.

Ces images ne relèvent ni de l’information utile ni de la solidarité. Au contraire, elles :
• placent la personne dans une situation de vulnérabilité extrême ;
• renforcent la stigmatisation publique ;
• portent atteinte à sa dignité humaine.

Si l’on souhaite réellement témoigner son soutien :
• Un message écrit, sans image, constitue déjà un geste fort et respectueux ;
• Si une image est jugée nécessaire, elle doit être choisie avec discernement, dans le respect de la dignité de la personne, sans référence visuelle à l’arrestation, à la détention ou à une quelconque humiliation publique.

La solidarité authentique repose sur le respect, la dignité et la responsabilité, et non sur l’exposition d’images susceptibles d’aggraver la situation d’une personne déjà fragilisée.

Konbit Dijital : une responsabilité citoyenne

Dans cette même logique, Gwoup Konbit promeut une initiative appelée Konbit Dijital, qui met l’accent sur la responsabilité citoyenne dans l’usage des outils numériques, notamment Internet et les réseaux sociaux.

Nous devons apprendre collectivement à être plus vigilants face aux informations que nous consommons, partageons et amplifions. Chaque publication, chaque image diffusée, chaque commentaire laissé en ligne peut soit contribuer à la dignité humaine, soit la fragiliser davantage.

Être solidaire aujourd’hui, c’est aussi être responsable dans l’espace numérique.

Louino Robillard
Konbitè

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