Le Conseil présidentiel de transition (CPT), censé guider Haïti vers des élections démocratiques d’ici au 7 février 2026, semble de plus en plus enlisé dans des querelles internes et des accusations de corruption.
Lundi, une lettre rendue publique par Frinel Joseph, membre observateur du Conseil, a jeté une lumière crue sur les tensions internes qui gangrènent l’institution. Il y dénonce une impasse paralysante, causée par de profondes divergences entre les membres, doublées d’un manque criant de volonté politique.
Mais au-delà des blocages administratifs, c’est surtout l’ombre des malversations qui plane désormais sur le CPT. Neuf de ses membres sont mentionnés dans des dossiers sensibles, notamment en lien avec des scandales financiers ou des pratiques de clientélisme, ce qui alimente le climat de défiance généralisée. Si la justice haïtienne n’était pas aussi affaiblie, voire « domestiquée » comme le soulignent plusieurs observateurs, certains de ces dirigeants seraient déjà traduits en justice, voire incarcérés.
Pendant que ces neuf membres se battent pour leurs intérêts personnels et politiques, le peuple haïtien est livré à lui-même. Les gangs armés règnent en maîtres et seigneurs sur une grande partie du territoire national. Plusieurs familles, chassées de leurs maisons par la violence, dorment à la belle étoile en pleine saison cyclonique, sans aide ni protection. Et dans l’indifférence totale, ces neuf font leur beurre sou « zo grann », profitant d’un pouvoir discrédité pour renforcer leurs privilèges.
Entre-temps, dans sa lettre, Frinel Joseph pointe également du doigt l’instauration d’une présidence tournante mise en place en mai dernier qu’il juge illégitime et contraire à l’accord politique du 3 avril 2024. Cette mesure, loin de favoriser la collégialité, aurait au contraire accentué la désunion, rendant chaotique toute tentative de prise de décision cohérente.
Dans ce contexte, les grands chantiers de la transition restent à l’abandon. La formation d’un nouveau Conseil électoral provisoire (CEP), la publication d’un calendrier électoral, ou encore l’adoption d’un code d’éthique pourtant vital après l’éclatement du scandale de la Banque Nationale de Crédit (BNC), sont au point mort. Ce dernier dossier avait sérieusement entaché l’image du CPT et mis en évidence son incapacité à se doter de mécanismes de contrôle interne.
Face à cette impasse, le conseiller suggère des solutions d’urgence : une retraite stratégique entre les membres du Conseil, des consultations avec les forces vives du pays, une transparence accrue dans la communication publique, et la promulgation rapide d’un décret présidentiel pour relancer les activités du CEP.
Mais le silence radio du reste des membres du CPT, malgré la gravité des accusations, en dit long. Dans un pays rongé par l’insécurité, la misère et une population désabusée, les appels à une gouvernance propre, transparente et orientée vers l’intérêt collectif ne trouvent toujours pas d’écho.
Alors que la communauté internationale attend des signes clairs d’engagement en faveur de la démocratie, Haïti reste otage d’un groupe de dirigeants décriés, plus préoccupés par leurs privilèges que par le sort de la nation. Le CPT, miné par ses propres contradictions, a fragilisé la transition. Et dans ces conditions, il devient évident qu’aucune élection crédible ne pourra se tenir avec ces neuf figures contestées à la barre d’une transition désormais naufragée.