vendredi, mai 23

Alors que le système éducatif haïtien traverse une crise profonde, les autorités ont tenu à marquer la Journée nationale des enseignants, ce vendredi 16 mai. Une cérémonie officielle s’est déroulée pour honorer quelques rares enseignants, dans un contexte où la majorité de leurs collègues sont en grève depuis plus de quatre mois.

En effet, depuis plusieurs semaines, les enseignants des écoles publiques ont cessé les cours pour réclamer des conditions de travail dignes, l’accès à une carte de débit pour la perception de leur salaire, ainsi que la régularisation administrative des enseignants non nommés. Ces revendications, loin d’être nouvelles, n’ont jusqu’à présent reçu aucune réponse concrète, malgré la signature, en janvier dernier, d’un acte d’engagement censé apaiser les tensions. En l’absence de progrès, le mouvement de grève a été maintenu.

Le dialogue entre les grévistes et le ministère de l’Éducation s’apparente désormais à un bras de fer. D’un côté, les enseignants tiennent leur position et dénoncent une violation de leurs droits. De l’autre, le ministre Augustin Antoine brandit la menace de retenir les salaires des grévistes, aggravant ainsi un climat déjà tendu.

C’est dans ce contexte de confrontation que l’État a organisé une cérémonie d’hommage à Port-au-Prince, au cours de laquelle seulement sept enseignants ont été distingués, sur une quarantaine initialement prévus à travers le pays. Le coordonnateur du Conseil présidentiel de transition, Fritz Alphonse Jean – qui a désormais la charge du ministère de l’Éducation – a profité de l’occasion pour exprimer son soutien verbal aux enseignants, tout en reconnaissant la période difficile que traverse le pays.

Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, également présent, a salué le courage et l’engagement des enseignants qui, malgré l’insécurité et les difficultés socio-économiques, continuent à transmettre le savoir. Il a insisté sur la nécessité d’une éducation de qualité pour construire une société plus équitable et tournée vers l’avenir.

Cependant, ces discours officiels, aussi bienveillants soient-ils, contrastent avec la réalité sur le terrain. Dans plusieurs départements, notamment l’Ouest, l’Artibonite et le Plateau Central, la violence des gangs a paralysé l’activité scolaire, mettant en danger le droit fondamental des enfants à l’éducation. Le ministre lui-même a reconnu l’impact de cette insécurité sur le fonctionnement du système éducatif.

Dans ces circonstances, nombreux sont ceux qui s’interrogent : comment peut-on célébrer les enseignants sans répondre à leurs cris de détresse ? Comment bâtir une Haïti nouvelle en laissant les fondations éducatives s’effondrer ? Le symbole d’une cérémonie ne suffit pas à masquer l’ampleur du malaise. Pour de nombreux observateurs, le respect véritable du travail des enseignants commence par l’écoute, le dialogue, et surtout des actions concrètes.

La Journée nationale des enseignants aurait pu être une occasion pour engager un virage décisif. Elle n’aura été, pour l’instant, qu’un rappel poignant de ce que le pays refuse encore de réparer : un système éducatif à bout de souffle, et des enseignants laissés pour compte.

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