dimanche, octobre 5

Comme annonnoncé par le gouvernement, la rentrée scolaire pour l’année académique 2025-2026 s’est déroulée ce mercredi 1er octobre 2025 dans plusieurs communes d’Haïti, révélant un contraste frappant entre zones relativement stables et quartiers touchés par l’insécurité. Dans certaines communes, certains élèves ont retrouvé le chemin des classes dans une atmosphère colorée et animée, tandis que dans d’autres de nombreuses écoles restent fermées, offrant un tableau inquiétant de la situation éducative.

Dès le matin, le Lycée national de Pétion-Ville affichait une activité intense. Les élèves, sacs à dos flambant neufs et uniformes impeccables, entraient dans les cours certains accompagnés de leurs parents. Le directeur du lycée, Jean-Marc Charles, accueillait chacun avec un sourire : « L’école, c’est une grande famille. Nous sommes heureux de voir nos élèves revenir », expliquait-il, dans son discours inaugural. Sur les rues Panaméricaine, Ogé, Grégoire d’autres établissements ont également marqué la journée par une rentrée colorée et animée, reflet de la détermination des familles à maintenir l’éducation malgré les difficultés économiques et sociales.

À Delmas, l’ambiance était presque similaire. Devant l’école Saint-Louis de Gonzague et le Collège la Providence Cambry l’Oiseau, le Collège Marie Dominique Mazzarello, le Collège Méthodiste de Frère, des foules d’élèves et de parents se pressaient dans les cours et les rues. La Police nationale d’Haïti (PNH) était visible aux abords des établissements, facilitant la circulation et rassurant les familles. Toutefois, certains défis du quotidien demeuraient : des tas d’ordures encombraient encore certaines artères, ralentissant le trafic et rappelant les fragilités persistantes de la région métropolitaine de Port-au-Prince.

La capitale haitienne, en revanche, offrait un tableau plus sombre. Dans de nombreux quartiers, la reprise scolaire restait au point mort. Peu d’écoles avaient rouvert leurs portes, et celles qui l’avaient fait fonctionnaient avec un nombre limité d’élèves. Le Collège Canado-Haïtien, le Collège Saint-Pierre, le Collège Catts Pressoir et le Collège Marie-Anne ont timidement repris leurs activités. Au Collège Saint-Louis de Bourdon et l’Avenue Martin Luther King et du Champ-de-Mars, autrefois centre mémorable de la rentrée scolaire, l’animation habituelle était quasiment absente. Cette situation traduit les profondes cicatrices laissées par la violence des gangs. De nombreuses écoles détruites n’ont pas été réparées, faute de moyens financiers et de stabilité sécuritaire.

Devant la barrière du Collège Bird, une mère observe en silence les bâtiments encore fermés. La voix chargée d’émotion, elle confie : “Quand on voit ces écoles qui restent closes ou réduites en ruines par les violences, on comprend que l’avenir de nos enfants est suspendu, comme si leur droit à apprendre avait été arraché. Chaque jour qui passe sans école, c’est un morceau d’espoir qui disparaît », se lamente t-elle.

Malgré ces difficultés, certains élèves restent motivés. « Je suis content de retrouver mes camarades et mes professeurs. Même si c’est difficile dans la ville, je veux apprendre et réussir cette année », explique une élève du Lycée Horacius Laventure à Delmas 75.

Cette rentrée reflète une fois de plus les inégalités criantes entre communes relativement stables et zones touchées par l’insécurité. À Pétion-Ville et Delmas, les enfants peuvent encore espérer une année scolaire normale. À Port-au-Prince, des milliers d’élèves restent privés d’éducation, renforçant le sentiment d’abandon et la fracture sociale malgré les annonces des autorités compétentes.

Pour preuve, la Direction départementale de l’Éducation nationale de l’Ouest a lancé officiellement l’année scolaire au Lycée Jean-Marie Vincent à Caradeux, sous le thème « Restaurer l’autorité de l’école ». Le directeur départemental, Étienne France Louisseul, a rappelé que l’éducation demeure le plus grand espoir de la société et que tous les secteurs du pays doivent contribuer à son bon fonctionnement. Le directeur général du MENFP, Yves Roblin, a assuré que le ministère continuerait d’investir dans le système éducatif et de soutenir les enseignants, élèves et responsables d’établissement. Luckerlange Charles, directeur du Lycée Jean-Marie Vincent, a insisté sur la mobilisation des enseignants malgré le contexte difficile, tandis que le chef de cabinet du ministre, Jean Robert Dossaint, a rappelé que le thème choisi pour l’année souligne la responsabilité de chacun dans l’éducation.

La Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que « toute personne a droit à l’éducation gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire ». L’éducation constitue un véritable moteur de développement durable. Pourtant, en Haïti, ce droit fondamental reste loin d’être garanti pour tous. Le pays affiche un faible taux de scolarisation : plus de 320 000 enfants âgés de 6 à 14 ans ne sont pas scolarisés, et environ 160 000 adolescents de 15 à 18 ans ne fréquentent pas l’école, selon une enquête de l’UNICEF-Haïti réalisée entre 2011 et 2015. Près de 50 000 enfants, âgés de 5 à 18 ans, sont totalement exclus du système éducatif, et environ un million risquent de ne pas achever leur parcours scolaire, exposant ainsi la jeunesse haïtienne à de sérieux défis pour son avenir et celui du pays.

Cette rentrée 2025-2026 rappelle avec force que l’éducation en Haïti ne peut pas être un privilège mais un droit pour tous. Elle met en évidence l’urgence d’une école inclusive, capable de protéger chaque enfant, quelle que soit sa commune, et de préparer une génération prête à construire l’avenir du pays.

Mederson Alcindor

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